La graine est l’entité biologique de reproduction des plantes.
“Les graines sont le premier maillon de la chaîne alimentaire.”
Les graines sont des êtres vivants en devenir. Elles contiennent dans leur quelques cellules la mémoire (au niveau génétique et épigénétique) des génération de plantes précédentes. Cette histoire est issue de la co-évolution entre la plante et les populations humaines ou animales qui les ont progressivement cueillies, ingérées, digérées, déféquées, observées, cultivées.
Les graines sont des êtres vivants en devenir
Les semences sont originellement les graines avec lesquelles un paysan va ensemencer un champ ou un jardin. C’est pourquoi le terme semences (qui peut inclure également les boutures, greffons, etc.) n’est utilisé que lorsqu’il s’agit de plantes cultivées, c’est-à-dire des graines de plantes domestiquées par l’homme ou des graines de plantes sauvages semées par l’homme.
Pour les plantes sauvages, on parle de graines (et rejets ou drageons). Par définition, les graines sauvages circulent librement par rapport à l’homme (et non par rapport aux autres lois de la nature, à l’ours…), tandis que les semences ne circulent pas indépendamment des choix individuels et/ou collectifs et des règles des humains qui les cultivent.
Elles ont certes une certaine autonomie « naturelle » (pollinisations croisées, vent…), mais si elles ne sont pas accompagnées de connaissances et de systèmes sociaux (agroécosystèmes) associés à leur culture, elles meurent ou redeviennent des graines sauvages.
Tout l’art du jardinier sera de sélectionner des plantes capable de donner une descendance associant des critères parfois contradictoire : qualités gustatives ou nutritionnelles, hypertrophie morphologique et capacité de reproduction autonome, acclimatation à des écosystèmes différent de celui d’origine et dépendance aux soins, résistances aux aggressions, capacité de survie en conditions difficiles, etc.
Anatomie d’une graine
“La graine est une plante vivante et déjà formée, en sommeil profond.”
La graine possède toutes les caractéristiques d’une plante déjà formée, au stade embryonnaire : racine, tige, feuilles, organes de réserve.
Les graines sont des plantes en devenir plongées dans un sommeil profond.
Voici deux panneaux pédagogiques co-produit avec l’association Biodiva, synthétisant les formations sur la multiplication et la conservation des semences :
“Des semences pour les générations futures“
“Comment reproduire ses semences ?”
ERRATA : dans la partie “les 4 étapes”, pensez à rahjouter la 5ème étape : semer régulièrement de veilles graines permet d’exprimer la capacité des plantes à produire des semences avec un long pouvoir germinatif !
Ces documenst sont disponibles en version téléchargeable pour tous ceux qui souhaitent l’imprimer et le diffuser.
Ce matériel graphique et distribué sous licence Creative Commons, et est libre de droit dans la limite des la licence CC BY-NC-SA 3.0 FR : ne pas modifier, citer les sources, de pas faire d’utilisations commerciales et repartager avec les mêmes conditions.
Les semences paysannes sont les semences de variétés paysannes
Au sens strict du terme, une variété paysanne est une variété-population à pollinisation libre, dont la semence n’est généralement pas disponible dans le commerce, qui n’est généralement pas inscrite au catalogue officiel et dont la sélection conservatrice et la multiplication sont assurées par l’agriculteur ou le jardinier pour son propre usage et celui de ses voisins et amis, généralement hors des circuits officiels de sélection.
Les semences paysannes peuvent provenir d’une variété traditionnelle ou d’un mélange ou d’un croisement entre des variétés-population traditionnelles, héritées et transmises de génération en génération, éventuellement hors du cadre réglementaire. Elles peuvent également provenir d’une ancienne variété de pays, collectée par un laboratoire de recherche, inventoriée comme ressource phytogénétique et multiplié en station expérimentale, puis récupérée par un paysan. Elles peuvent enfin provenir d’une variété sélectionnée récemment, parfois exploitée commercialement puis abandonnée, récupérée et acclimatée à des conditions particulières, ou recombinée en population mixte avec d’autres variétés par des cultivateurs lui trouvant des qualités indéniables.
Modes de sélection des variétés paysannes
La sélection des variétés paysannes s’effectue in situ (en opposition à ex-situ = dans un centre agronomique, ou in-vitro = en laboratoire), ou par définition : “au champ”. Les plantes évoluent dans leur milieu, au contact d’un sol vivant, des éléments climatiques et des organismes (insectes, champignons, bactéries, humains, etc.) qui les entourent. Elles s’habituent ainsi à la fois aux risques et aux contraintes du milieu (résilience), mais aussi aux interdépendances et à la coopération (biodiversité).
Dans tous les cas, les méthodes de sélection des semences paysannes mises en œuvre par les paysans et les jardiniers qui les cultivent sont des méthodes respectueuses du vivant, basées sur l’observation des plantes et sur des pratiques traditionnelles (essentiellement la sélection massale, et, moins souvent, la sélection sur la descendance). Il n’y a donc pas de “création variétale” artificielle pré-conçue.
La sélection des porte-graines (les plants sur lesquels les graines vont être récoltés) de semences paysannes peut prendre en compte de nombreux critères “subjectifs” selon l’appréciation du cultivateur : valeur alimentaire (pigments organiques et vitamines, teneur en sucre, toxicité, conservation…), saveur, aspect général, comportement, réaction aux méthodes de culture et au climat, etc.
Qu’est ce qu’une variété paysanne à pollinisation ouverte ?
La pollinisation ouverte est un choix de culture des graines qui laisse aux plantes le “choix de la nature” quand à leur reproduction sexuelle (le pollen est transporté par le vent, les insectes, etc.). Il ne s’agit d’aucune manière de pollinisation contrôlée, tant par des méthodes manuelles (pollen sélectionné sur une fleur particulière) ou par des techniques en laboratoire (OGM, fécondation in-vitro, etc.).
Une variété paysanne à pollinisation ouverte est donc d’une variété-population aux caractéristiques bien définies (sélection des portes graines) dont les individus présentent cependant une certaine variabilité (“hasards” de la reproduction sexuée). Ceux-ci se croisent entre eux librement, ce qui permet à cette variété de pouvoir évoluer et de s’adapter si elle est multipliée dans de nouvelles conditions agro-climatiques.
Variété paysanne et transmission culturelle
Transmettre une variété paysanne, ce n’est pas seulement transmettre de la semence (une génétique) mais aussi transmettre une forme de culture humaine, c’est-à-dire des savoirs et des savoir-faire associés à cette variété : connaissances de la plante et de ses préférences, compétences techniques, habitudes horticoles, rituels sociaux, valeur symbolique, recettes, etc.
Les informations concernant aussi bien son origine que son histoire, les méthodes de culture et de sélection recommandées, ses possibilités culinaires font entièrement partie du lien de co-évolution établi entre la plante et les personnes qui la cultivent. Par exemple, il existait dans certaines région des variétés de blés qui n’étaient cultivés que pour une seule recette de pâtisserie, réalisée lors d’une seule fête dans l’année.
Transmettre la semence sans transmettre la dimension humaine, sociale ou écologique qui l’a créée, c’est prendre le risque de perdre “l’intention qui précède le geste”, et à terme de perdre la variété dans sa forme première. Au mieux, elle aura évolué vers autre chose, au pire sa lignée aura définitivement disparue.
Il importe donc que chaque jardinier ou cultivateur qui reçoit une variété paysanne (que ce soit au travers d’un échange ou d’un achat auprès d’un producteur de graines indépendant ou d’un artisan semencier), puisse obtenir, conserver et retransmettre non seulement les graines de la génération future mais un maximum d’informations concernant la variété, son histoire et ses usages.
Variétés paysannes et réglementation
Une variété paysanne n’est pas nécessairement une variété ancienne ; elle peut avoir été créée récemment (par exemple en créant puis en laissant s’adapter une population dynamique à partir de variétés anciennes). Se pose alors la question légale de sa reconnaissance.
Les variétés paysannes sont par définition moins homogènes et moins stables que les variétés inscrites au catalogue officiel, car elles sont par nature évolutives, adaptatives et dynamiques. Elles peuvent difficilement être inscrites au catalogue officiel, qui requiert au contraire des variétés “distinctives, homogènes et stables” (critères DHS).
Une variété paysanne peut-elle être brevetée ?
Une variété paysanne n’est pas brevetée, ni protégée par un certificat d’obtention végétale et peut donc être multipliée et diffusée librement par quiconque, sauf si un jour un semencier dépose un brevet sur un de ses gènes, car il n’existe aujourd’hui aucune reconnaissance du “bien commun” dans le cadre des semences : ce qui n’appartient à personne n’appartient pas légalement à tous, et est donc appropriable !
Pour le moment, il n’existe pas de réglementation adaptée à ces variétés. La commercialisation de leurs semences en vue d’une production commerciale du légume, bien que légitime, est illégale. Par contre, leur utilisation dans le cadre d’une production commerciale (par un maraîcher) et la commercialisation des légumes qui en sont issus sont tout à fait légales.
Voici un ensemble de document vous permettant d’approfondir votre connaissance générale sur la question globale de la préservation des semences et de la biodiversité cultivée, en complément de l’article publié sur ce site : Que sont les variétés et les semences paysannes ?
Ruth Stégassy retrace dans son émission Terre à Terre (France Culture) les principaux événements des Rencontres Internationales “Sème ta résistance ! les semences paysannes nourrissent les peuples” organisées au village Emmaüs de Lescar-Pau lors de la quinzaine des semences paysannes en automne 2015.
Après le délais de conservation sur le site de France Culture, vous pourrez retrouver toutes les émissions Terre à Terre sur le site non-officiel de l’émission.
Suite aux différents ateliers théoriques et pratique organisés au tout au long de cette année, cette page rassemble plusieurs sources de références méthodologiques concernant la culture des porte-graines, la récolte et le tri des graines.
Bibliographie
Christian Boué – Produire ses graines bio (Ed. Terre vivante) : un très bon livre pour débuter, écrit par un des membres du Biau Germe.
La page “apprendre” sur le site Graines de Troc, association et réseau d’échange de graines.
La page “ressources” sur le site Bio Aquitaine : faire une recherche avec le mot-clef “semences”.
La page “pourquoi pas vous ?” sur le site La Graine Indocile, association d’éducation populaire potagère et permacole de Provence.
Video
La coopérative Longo Maï a contribué à la production d’une série de films pédagogiques appelée “Semences buissonnières“, illustrant pas à pas les gestes techniques.
Un ami jardinier du cantal, très porté sur la question des graines, m’a transmis récemment un exemplaire quelque peu élimé du catalogue 1911 des établissements Denaiffe & fils, une grande maison semencière des Ardennes. Je vous en livre ci-joint une reproduction partielle >> catalogue 1911 des établissements Denaiffe & fils (pdf).
On peut y lire avec un grand intérêt les prémices de la sélection généalogique sur les blés, mais également, à ma grande surprise, de forts judicieux conseils sur le semi de prairies ou de forêts, et puis viennent toutes les variétés (à leur sens premier) de légumes.
Même si nous savions déjà que le nombre de “variétés anciennes ” était grandement supérieur aux variétés actuelles, il est assez vertigineux de constater de visu que les jardiniers d’il y a 100 ans cultivaient déjà ces mêmes variétés que nous essayons parfois difficilement de préserver et de faire connaître.
Au grand dam des jardiniers qui ne jurent que par les dernières variétés modernes devenues standards, et considérées à ce titre comme “traditionnelles” (ex: la courgette verte et longue, la carotte orange, etc.), il est aisé de s’apercevoir que la réalité de ces variétés anciennes, issues d’une longue traditions, étaient bien plus complexes.
Mais le plus remarquable, c’est la qualité des descriptions de chaque légume, à partir de seulement quelques adjectifs, et surtout la qualité des gravures. Cela dénote un sens de l’observation et une connaissance des plantes qui semble aujourd’hui presque oubliée.
L’hiver dernier, nous avons lancé avec plusieurs collègues l’idée d’un dossier sur le thème des semences paysannes pour la revue Nature & Progrès.
L’objectif de ce dossier était de repréciser, de manière simple, les enjeux autour des semences, suite aux différents reportages et parutions médiatiques, parfois incomplètes ou incompréhensibles sur le sujet.
Depuis la parution de ce numéro n°101, de nombreux autres articles ont été publiés dans la presse en ligne ; les plus utiles ou novateurs seront listés ci-dessous.
Contenu du dossier
Vous pouvez télécharger ci-dessous l’ensemble des articles du dossier au format pdf.
Le terme « pollinisation ouverte » (open pollinisation en anglais) désigne la pollinisation réalisée par les seuls moyens naturels, hors intervention mécanique par l’homme (c’est-à-dire un rencontre forcée entre pollen et étamines).
Celle-ci peut être réalisée par les insectes, les oiseaux, le vent, ou d’autres mécanismes naturels. Elle peut advenir dans un contexte de chasmogamie (la pollinisation des fleurs complètement écloses, libérant le pollen dans environnement), mais également de cléistogamie (la pollinisation fermée à l’échelle de la fleur proprement dite, qui est l’un des nombreux types d’auto pollinisation).
La pollinisation ouverte contraste avec la pollinisation contrôlée, une procédure utilisée pour veiller à ce que toutes les graines d’une culture sont les descendantes de parents connus, et sont donc plus susceptibles d’avoir les caractéristiques souhaitées d’après les caractères connus des parents.
Usages, ou comment favoriser la diversité génétique
Les graines de plantes à pollinisation ouverte produisent de nouvelles générations issues, au moins, du patrimoine femelle de la plante. Cependant, parce que la source de pollen (parent mâle) est a priori inconnue, la pollinisation ouverte peut engendrer des plantes enfants dont les caractères varient largement, surtout si les plantes de même espèce présentes alentours sont très diversifiées génétiquement (par exemple lorsqu’on laisse fleurir ensemble des chou de variétés différentes).
Permettre la pollinisation ouverte, c’est laisser à la nature (les insectes, les champignons du sol, le vent, etc.) sa part incontournable dans l’évolution du vivant et que l’être humain ne peut pas tout contrôler. C’est offrir le champ libre aux surprises, aux accidents, et de ne pas laisser cette possibilité aux seules mains d’une classe particulière de la population (les chercheurs, les entreprises agro-alimentaires…).
C’est aussi permettre à chacun de se réapproprier un savoir faire ancestral, patrimoine de l’humanité, celui de choisir les plantes favorables aux établissements humains.
C’est enfin provoquer la chance en n’isolant pas les lignées les unes des autres, mais en les disposant de proche en proche par affinités, ou par contrastes, pour saisir l’opportunité d’une recombinaison de gènes favorables, de surprenantes descendances. Certes il restera par la suite à les stabiliser, cela peut prendre plusieurs générations… du point de vue de la plante bien sur !
Le terme variété a été propagé à la fin du XIXème siècle en même temps que le développement rapide des savoir-faire maraîchers. Dans une économie où le cheval ou la vache occupaient une place primordiale, le fumier abondant à permis aux maraîchers des ville et des villages de produire en quantité sur de très petites parcelles.
Une grande diversité de légumes est apparu au fil des régions, des climats et des goûts ou de l’inventivité de chacun. Le commerce des semences est devenu florissant (Villemorin, etc.) et est vite devenu réglementé.
Définition
Dans sa définition officielle (administrative, commerciale) actuelle, une variété est définie par trois critères inséparables :
– la Distinction : une variété est considérée comme telle lorsqu’elle comporte un caractère ou une combinaison de caractères qui la différencie des autres ;
– l’Homogénéité : une variété est considérée comme telle lorsque que l’ensemble des individus qui la composent sont identiques ;
– la Stabilité : une variété est considérée comme telle lorsque sa descendance conserve la même combinaisons de caractères.
Critique de la norme variétale (DHS)
On s’aperçoit vite que les trois critère DHS renvoient à une dimension normative du vivant, qui ne peut exister dans la réalité, et ce pour trois raisons :
– le critère d’homogénéité est un leurre, car le principe même du vivant est dans la diversité. En théorie, arriver à une homogénéité totale revient à reproduire des clones, ou ne produire que des jumeaux à l’infini. Dans la pratique, de génération en génération, cela revient à conduire une lignée vers la consanguinité la plus totale et à appauvrir le patrimoine génétique global de l’espèce. Au contraire, le principe de diversité offre la possibilité d’exprimer un gradient de caractères permettant une multitude de réponses possibles aux conditions de environnement.
– le critère de stabilité est également un leurre, car le principe même du vivant est l’évolutivité. En théorie, un objet stable est une objet mort. En pratique, un être vivant a besoin de pouvoir évoluer pour s’adapter à son environnement, lui-même en perpétuelle évolution. Un organisme ne pouvant évoluer est incapable de s’adapter aux nouvelles contraintes, aux nouveaux stress, parasites, virus, etc. Cette adaptation évolutive permanente semble se transmettre à la fois aux gènes mais aussi au contenu de la cellule : chaque nouvelle génération d’une lignée se différencie progressivement de ses parents, chaque rameau d’un arbre ou chaque rejet rejet d’un arbuste est sensiblement différent des rameaux qui l’on précédés.
– en conséquence, le critère de distinction ne peut porter que sur un petit nombre de critères (visuels, gustatifs, de précocité ou de résistances le plus souvent). Cela revient à isoler les génomes plutôt qu’à les mélanger, à appauvrir la diversité des individus existants à un instant T et à limiter la diversité des combinaisons génétiques exprimées dans le monde. Au contraire, diversité et évolutivité génèrent des populations dynamiques, où l’ensemble des caractères se combinent de manière graduée à chaque génération, et s’adaptent en permanences aux conditions du milieu.
Reconstruction de populations dynamiques
Nous nous apercevons que la sécurité et l’autonomie des paysans est menacée à l’échelle mondiale, car les moyens de communication et de transport sont plus rapides que le temps donné à une plante pour évoluer et s’adapter aux modification de environnement. La globalisation des échanges engendre actuellement une uniformisation des patrimoines génétiques et les critères de rentabilité une privatisation de ces mêmes patrimoines (il se passe la même chose pour l’élevage, toutes espèces confondues).
Plutôt que de diviser les plantes cultivées en variétés distinctes, ne serait il pas plus favorable de parler de la variété graduée des caractères d’une population ? De tirer parti de la fluctuation et de la l’adaptabilité ? De recréer une esthétique de la diversité ?